Loin des clichés éculés, la cuisine moderne, celle des grandes tables et des maisons plus modestes, est désormais incarnée par des femmes de talent. Des femmes qui portent la veste comme un engagement.
« Oui Chef ! », l’ordre résonne entre les postes. Il claque dans l’air chargé d’effluves et de fumée. Dans l’imaginaire collectif, ce « chef » ne peut être conjugué qu’au masculin, tant la référence du genre tient dans le cliché d’un homme souvent charismatique, moustachu, ceint d’une veste marquée de ses initiales. Pourtant, nous sommes en 2023. Et en 2023, la cuisine s’écrit (aussi) au féminin. Elles sont des dizaines de femmes inspirantes, cheffes d’entreprise et de cuisine, combattant tout aussi bien pour leur table que pour une certaine vision de la gastronomie. Elles forment, aux côtés des Alleno, des Etchebest, des Gagnaire et des Frechon, le portrait robot d’une restauration en pleine ébullition. Une restauration qui, comme la société qu’elle sert et qui l’entoure, évolue avec son temps. Dans quelques semaines, les fans de Top Chef découvriront deux nouvelles personnalités au sein du jury du grand concours télévisé. Dominique Crenn et Stéphanie Le Quellec coacheront les candidats d’édition 2024. Chacune avec son identité et son savoir-faire, elles apporteront une sensibilité et une couleur culinaire.
Quand les caméras s’éteignent et que les techniciens rangent le matériel, la cuisine de 2023 s’exprime enfin. Elle est féminine, radicale, engagée. Elle est vivante et s’épanouit un peu partout en France et dans le monde. Avec le talent qu’on leur connaît, nos confrères de Télérama dressaient il y a quelque temps le top 100 des femmes qui font bouger la gastronomie. Au détour d’un paragraphe, l’on découvrait ainsi quelques figures atypiques comme Tatiana Levha, Sophie Cornibert, Olive Davoux, Amandine Carreau ou Kayori Hirano. Chacune jouant une partition personnelle et créant des accords audacieux. Ici, c’est une table 100% végétale qui se dresse sous vos yeux. Là-bas, ce sont des produits finement sélectionnés dans un rayon de vingt tout petits kilomètres qui garnissent le garde-manger. Plus loin, une réflexion globale sur le sens de la restauration et de ses acteurs s’engage entre deux services. Nous ne sommes plus seulement en train de lire une carte aux intitulés évocateurs. On prend part à la vie d’un laboratoire social et humain.
À la tête du restaurant Datil, à Paris, Manon Fleury entend repenser de fond en comble le modèle de gouvernance d’une telle entreprise. Elle y prône une organisation en cuisine horizontale, avec une grande place donnée au dialogue. Un cadre collectif qui, comme l’indiquent ses responsables, offre à celles qui donnent l’impulsion d’aller chercher l’inspiration en dehors et d’avoir la certitude que seules les convictions ne sont pas interchangeables. Un modèle qui rebat les cartes des conceptions habituelles et de la hiérarchie quasi martiale que certains craignent. À San Francisco, Dominique Crenn questionne l’impact fondamental et la traçabilité des aliments. Une démarche qu’elle porte depuis des années. Circuits courts, cuisine de saison, amour du végétal, un modèle qui détonne aux États-Unis, sa terre d’élection.
La rédaction