GÉRARD GAROUSTE « L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE EST UN DÉFI POUR LES ARTISTES DE DEMAIN. »

Né en 1946, adepte d’une « figuration sans concession », Gérard Garouste est l’un des peintres majeurs de la scène contemporaine française. Le Centre Pompidou lui a consacré une grande rétrospective, permettant de saisir toute la richesse du parcours inclassable d’un créateur « in-tranquille » dont la vie sous le signe de l’étude mais aussi de la folie, et l’œuvre énigmatique, se nourrissent l’une l’autre en un dialogue saisissant.

Je pense que l’intelligence artificielle représente une avancée technologique extraordinaire, dont les répercussions vont se développer dans tous les domaines de l’activité humaine, science, médecine, justice, métiers de la communication, etc. En art, je trouve que la machine n’a pas été suffisamment ou finement programmée pour donner toute sa mesure et offrir une vision esthétique, comme les artistes ont su en donner tout au long de l’histoire. Il est clair qu’on n’en est qu’au début de l’aventure mais, quoi qu’il arrive, je trouve passionnante l’idée que la machine mette l’homme au défi de sa propre créativité. C’est particulièrement vrai dans la sphère de l’art virtuel et conceptuel, où les considérations esthétiques n’ont plus de sens. Pour tous les artistes qui travaillent dans ce domaine, l’intelligence artificielle représente une menace, ou tout du moins un véritable challenge. Car le jour où la machine sera capable de produire de l’originalité, c’est tout le système de la modernité, basé sur la rupture et la nouveauté, qui s’écroulera.

L’intelligence artificielle questionnera alors le statut même de l’artiste. C’est en cela que je trouve cet outil passionnant. Il promet une totale remise en question de la définition de l’art, tout comme le ready made de Duchamp le fit en son temps. Peut-être reviendra-t-il aux seuls enfants le nom d’artiste? Nous verrons bien!

À titre personnel, je n’ai jamais eu recours à l’intelligence artificielle mais j’aurai peut-être l’occasion de le faire pour élaborer un tableau. J’utilise déjà la photo et l’ordinateur pour travailler mes dessins et les transformer grâce à l’anamorphose. Pour mes sculptures, les techniques d’agrandissement et de corrections numériques mises à ma disposition par mon fondeur sont un vrai gain de temps, mais le résultat, comme le serait un brouillon, demande à être retravaillé : l’intervention de la main reste pour moi nécessaire. Ce qui n’est pas le cas pour d’autres artistes. Tant que la machine reste un outil au service de l’artiste, et non le contraire, je reste ouvert à toute innovation technologique.

Dans cette nouvelle équation avec laquelle l’homme va devoir composer, il y a une inconnue : la machine va-t-elle pouvoir se doter d’émotions et d’imperfections? Car l’enjeu est bien celui-là. Aura-t-on encore besoin des humains ou bien, comme dans les nouvelles de Philip K.Dick, les machines imposeront-elles leur suprématie? À titre personnel, j’ai confiance en l’homme et en son intuition pour donner à la machine sa juste place, celle d’un instrument aux performances exceptionnelles mais soumis à un projet et investi d’un sens voulu par l’artiste. Car sans cela, une œuvre est condamnée à être muette et sans échos, littéralement insignifiante.

Dans le mythe du Golem, le Maharal de Prague créateur de cette marionnette de terre, ne lui donne pas la vie. Tout comme la machine, le Golem est parfait mais il n’a pas d’âme, pas de profondeur, il ne connait ni la joie, ni la souffrance ni l’échec. De même, dans la Bible, ces créatures idéales que sont les anges ne savent pas parler. Et comme ils n’ont pas le pouvoir de nommer, ils sont incapables de créer. La perfection de l’homme, si elle existe, réside dans son imperfection. C’est sa force et sa faiblesse, sans laquelle il n’aurait accès ni à l’art, ni à la poésie.

Propos recueillis par Hortense Lyon

La Source : lutter contre l’exclusion au travers de l’expression artistique

Après plus de 30 ans d’existence, La Source confirme une vocation sociale et éducative unique.

Créée en 1991 par Élizabeth et Gérard Garouste, l’association est née de la conviction que la création artistique peut venir en soutien de l’action sociale, afin de lutter contre l’exclusion sous toutes ses formes. « L’art est une nécessité pour l’équilibre de l’enfant et, tel qu’il est pratiqué dans le cadre de La Source, c’est un véritable levier citoyen », explique Gérard Garouste.

De fait, l’Association porte l’idée que l’art est un acteur fondamental dans la construction de la société et contribue à la valorisation de l’individu dès son plus jeune âge. Elle organise des ateliers de pratique artistique conduits par un binôme composé d’un artiste professionnel et d’un membre l’équipe éducative. Ils sont proposés sur le long terme aux enfants et jeunes en situation de fragilité, tout en favorisant la mixité sociale. Ils leur permettent ainsi de se construire, de développer leur créativité, de se responsabiliser sur le plan personnel et collectif, tout en renforçant leur confiance en eux et leur esprit d’initiative.

Implantée dans 10 départements, La Source Garouste est labellisée « La France s’engage » et conventionnée avec les ministères de la Culture et de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. Grâce au soutien de ses mécènes et à l’engagement d’artistes professionnels, chaque année, ce sont plus de 13 000 enfants et parents qui bénéficient de ses activités artistiques.

Au service de la cohésion sociale et du développement culturel et du développement culturel des territoires.

Ses actions s’adressent principalement aux enfants et adolescents, âgés entre 6 et 18 ans, en situation de fragilité sociale ou économique. Les familles sont régulièrement invitées aux restitutions d’ateliers, aux expositions et aux sorties culturelles. L’Association leur propose également des ateliers parents-enfants.

Ces jeunes bénéficiaires sont orientés vers La Source Garouste par les services départementaux de l’Aide sociale à l’enfance, les services sociaux des collectivités locales, les ONG ou associations, les directeurs, conseillers d’orientation ou les enseignants d’établissements scolaires ou directement par les familles. Ses actions s’articulent entre un pôle « social » accueillant les enfants et adolescents sur les temps périscolaire et extrascolaire et un pôle « éducatif » accueillant les classes sur le temps scolaire.

Une ambition nationale

En 30 ans d’existence, La Source a créé un modèle unique et performant qui participe activement à la transformation positive de la société et qui permet aux enfants de s’éveiller, de s’émanciper et de prendre confiance en eux.

« La Source donne ce qu’il y a de plus indispensable à la vie : la confiance en soi et donc en l’avenir. L’art n’est pas une barrière, mais un levier » explique pour sa part François Hollande, l’ancien Président de la République, également président de La France s’Engage. Grâce à l’impact positif de son action, l’Association est régulièrement sollicitée par de nombreux acteurs de terrain et institutions pour installer une antenne dans leur localité et agir auprès de leurs publics. Son projet vise aujourd’hui à créer de nouveaux sites sur le territoire pour accroître le nombre de bénéficiaires tout en conservant cette qualité d’accompagnement et de transmission qui fait sa singularité. Gérard Garouste et son épouse Elizabeth s’en réjouissent chaque jour : « Nous avons réalisé un rêve : fonder un lieu de libération et de création pour des enfants en situation de fragilité. Nous leur transmettons des clés essentielles pour grandir sereinement telles que la tolérance, la curiosité, la créativité et la découverte au contact des artistes. »

Pour plus d’informations : www.associationlasource.fr