Inconnu au bataillon, Satoshi Nakamoto reste pourtant l’un des personnages les plus importants du monde économique moderne. En inventant le Bitcoin, il a révolutionné le marché en bousculant des codes que l’on croyait immuables.
Une zone d’ombre. Voilà ce à quoi Satoshi Nakamoto pourrait être ramené. Personne ne sait si c’est un homme, une femme ou un groupe d’individus hétéroclites. Tout ce que l’on peut deviner du personnage réside dans un seul et unique mot : bitcoin. En 2008, une entité mystérieuse (désignons-le ainsi) émerge sur le web. Il entraîne dans son sillage un projet, une idée qu’il annonce révolutionnaire. Il s’agit d’un concept novateur de monnaie numérique qui doit rebattre les cartes du marché. Dans un livre blanc diffusé sur une plateforme de partage, il explique le fonctionnement de son invention, en décrit les règles et les principes, transmet la vision qu’il défend. L’affaire interpelle un petit nombre d’initiés et, très vite, le cadre d’un logiciel suit. Il est également le premier à résoudre le problème de la double dépense pour une monnaie numérique en utilisant un réseau de pair-à-pair.
Le personnage est mystérieux. On l’a dit. Et comme tout mystère, son histoire fait rêver. Des fantasmes circulent. On lui prête un lien avec les services secrets américains. On le présente tour à tour comme un anarchiste ou un spéculateur. Plusieurs personnes prétendent être Satoshi Nakamoto. Mais près de quinze ans après son irruption dans la sphère publique, son identité reste secrète. Satoshi publie son dernier message sur le forum bitcointalk qu’il a créé le 12 décembre 2010. Juste avant son départ, il met en place Gavin Andresen comme son successeur en lui donnant accès au projet
SourceForge Bitcoin et une copie de la clé d’alerte qui permet prévenir le réseau d’événements importants par la diffusion d’un message à tous les clients Bitcoin. En mai 2011 il communique pour la dernière fois avec d’autres contributeurs Bitcoin, notamment Martti Malmi, à qui il écrit : « Je suis passé à autre chose et je ne serai probablement plus là à l’avenir. » Pendant une longue période, Satoshi fut le seul mineur en activité. D’après une analyse de Sergio Lerner, sa fortune serait proche du million de bitcoins. Ce qui, par les temps qui courent, représente la bagatelle de 65 milliards de dollars.
Plus de 15 ans après l’apparition du désormais célèbre Bitcoin, les fantasmes vont bon train. Qui peut être Satoshi Nakamoto ? Nous le disions, beaucoup de spéculations courent à propos de telle ou telle personnalité dont on croit reconnaître un trait de caractère dans la démarche cryptographique de l’entité. On a même imaginé un temps qu’Elon Musk, le tonitruant fondateur de Tesla et propriétaire du réseau social X (ex-Twitter) pourrait être l’heureux élu. Mais ce dernier s’est dépêché de nier les rumeurs, renvoyant leurs auteurs à leurs études. Au-delà des spéculations, c’est le modèle et les valeurs de Satoshi qui interpellent et dérange. Car derrière l’irruption du Bitcoin, c’est une remise en cause du monopole bancaire qui est en jeu. L’approche décentralisée de la mère de toutes les cryptomonnaies pousse en effet à remettre en cause des pans entiers du système traditionnel de la finance. Une révolte ? Sans doute pas. Mais peut-être une révolution, dans ce cas.
Tobias CLAISER et Jérémy FELKOWSKI