Passer du sport de haut niveau à la viticulture, triompher dans les deux domaines, pousser pour promouvoir des valeurs dans chacun des deux univers… Le parcours de Gérard Bertrand est atypique et ses cultures viticoles le sont tout autant.
Ancien titulaire à Narbonne et au Stade Français, où il fit les beaux jours de deux collectifs rugueux et autoritaires, Gérard Bertrand a troqué les crampons contre les bottes en caoutchouc. Le sudiste, depuis la fin de sa carrière, a repris le flambeau dans les vignes familiales. Son père, Georges, l’a initié aux vendanges et au goût du beau produit. Depuis 2002 et le rachat du Château l’Hospitalet, dans le parc naturel de La Clape, le passionné a pris une dimension nouvelle. Mieux, son antre située à quelques encablures de Narbonne fait des émules. Le chevalier des Corbières a été nommé Meilleur vigneron du monde. Une distinction octroyée par la très sérieuse revue britannique The Drinks Business. Cette dernière ayant publié la nouvelle édition de son guide The Master Winemaker 100 il y a quelques semaines à peine. Les fans de rugby les plus chauvins parmi nos lecteurs constateront avec délice qu’en matière de ballon ovale comme de ballon de rouge, nos voisins anglais ont une nouvelle fois avoué la supériorité tricolore…
Un changement total de paradigme
Désormais à la tête de dix-sept domaines, il élève ses vins en respectant les grands principes de la biodynamie. Entièrement débarrassé des intrants industriels et des produits chimiques qui, parfois, font que le vin à mauvaise presse, la vigne est, ici, choyée différemment. Elle est modelée et entretenue dans le respect des phases lunaires et de la position des planètes. Ici, on tient compte de paramètres sensibles tels que l’exposition solaire, les précipitations, l’équilibre. La biodynamie est, au fil du temps, devenue le cheval de bataille du maître des lieux. Il est persuadé qu’il s’agit de l’avenir du métier et, plus largement, de l’agriculture moderne. « La biodynamie a changé ma vie et je suis persuadé que les gens doivent en comprendre les enjeux », assure-t-il. Au-delà de la qualité et du potentiel de garde des vins, le professionnel y voit également « un message fort par rapport au territoire cultivé et son patrimoine. »
Renforcer l’équilibre d’un vin
Méthode agricole naturelle et éthique, la biodynamie permet un impact moindre sur les sols et les plantes, tout en favorisant, selon ses soutiens, la qualité du produit final. Infusions d’orties et de pissenlits, ajouts de lombrics et d’un compost très spécifique sont autant d’outils dont se sert l’exploitant. « Notre but, ici, est de réduire l’interventionnisme des vignerons, tout en renforçant l’équilibre, la minéralité, la fraîcheur et les arômes du vin », assure Gérard Bertrand. Pour la fin de saison qui, déjà, s’est confortablement installée dans les vignobles, les membres de l’équipe ont mis en place une stratégie et préparé la terre pour l’année prochaine. Tout est affaire de calcul, de coordination, d’effort collectif… Un peu comme sur un terrain de rugby, finalement.
JF